La traduction du Livre de Ruth en caló chibi représente une étape cruciale pour la préservation de la langue et de la culture de la communauté rom en Brésil. Ce projet, dirigé par la Société Biblique Brésilienne, renforce les liens intergénérationnels, en mettant en lumière des thèmes tels que la migration, la famille et la tradition culturelle.
Le Livre de Ruth en Caló Chibi : Préserver la culture rom en Brésil
La traduction de la Bible en caló chibi, langue parlée par une partie de la communauté rom au Brésil, constitue un moment décisif dans l’histoire de la préservation linguistique du pays.
Pendant des décennies, les communautés roms ont préservé leurs traditions de manière orale, mais l’absence de textes écrits dans leur langue a rendu difficile la transmission de leur patrimoine culturel aux nouvelles générations. Pour répondre à ce besoin, la Société Biblique Brésilienne (SBB) et divers collaborateurs ont entrepris la première traduction complète d’un livre de la Bible — le Livre de Ruth — dans le but de renforcer le sentiment d’appartenance de ce groupe ethnique.
Un projet né de la collaboration et la pertinence du Livre de Ruth
Lors de la 6e Rencontre Nationale d’Évangélisation des Roms, organisée à Maringá, cette version unique du Livre de Ruth en caló chibi a été dévoilée.
La traduction est le fruit d’un effort collectif entamé lors du cours des Traducteurs Indigènes de la Bible (TIB) en 2012. Bien que conçu à l’origine pour les langues indigènes, l’implication des traducteurs roms a élargi la portée du projet. Cette initiative a transformé l’histoire biblique de Ruth, qui aborde des thèmes tels que la famille, le nomadisme et la migration, en un miroir culturel pour la communauté rom.
Le Livre de Ruth est remarquable pour son récit de loyauté, de rédemption et d’intégration d’une étrangère dans une terre inconnue. À première vue, ces thèmes peuvent sembler universels.
Cependant, pour la population rom au Brésil, l’histoire résonne particulièrement, mettant en avant des aspects essentiels tels que la continuité des traditions familiales et l’adaptation à de nouvelles terres. Le missionnaire Igor Shi, de la Mission des Amis des Roms, a souligné que ce premier texte complet en caló chibi procure un sentiment de validation aux familles roms en leur permettant de se voir reflétées dans un récit biblique qui résonne avec des éléments de leur vie quotidienne.
Poids de la tradition, langue en danger et rôle de la Société Biblique Brésilienne
Le caló chibi, également connu sous le nom de calon chibi, est parlé par environ 680 000 personnes au Brésil, bien que son usage ait considérablement diminué dans certaines communautés.
Les enfants et adolescents roms du Brésil sont souvent éduqués dans des écoles formelles où le portugais est la langue principale, avec peu ou pas d’accès à des matériels éducatifs dans leur propre langue. Par conséquent, beaucoup finissent par se déconnecter de leur héritage linguistique et culturel.
Cette vulnérabilité montre pourquoi des projets comme la traduction du Livre de Ruth sont essentiels pour prévenir l’extinction progressive du caló chibi.
La SBB, reconnue pour sa vaste expérience dans la traduction et la diffusion des Écritures en plusieurs langues, a relevé ce défi avec enthousiasme. Paulo Teixeira, son Secrétaire à la Traduction et à la Publication, a déclaré que cette initiative joue un rôle décisif dans la préservation de la langue rom.
Il a également souligné l’importance de former de nouveaux traducteurs natifs, qui apportent leur expertise en phonétique et en sémantique pour créer des versions fidèles et compréhensibles. Le succès de cet effort initial avec Ruth alimente l’ambition de continuer la traduction d’autres parties de la Bible et même de diffuser d’autres textes religieux et culturels en caló chibi.
Collaborations avec des organisations et des communautés
Des mouvements religieux, des associations civiles et des organisations gouvernementales se sont joints à cet effort.
Par exemple, des groupes évangéliques et catholiques ont lancé des ateliers et des cours pour les locuteurs de caló chibi, permettant aux jeunes et aux adultes d’apprendre à lire et à écrire dans leur langue. Ces initiatives renforcent non seulement la foi de la communauté rom mais créent également des espaces où les traditions orales sont consignées par écrit pour leur préservation à long terme.
Cependant, le projet ne se limite pas au domaine religieux, car la préservation d’une langue implique la récupération d’une identité ancestrale et la génération de contenus divers dans des domaines comme la musique et la littérature.
Néanmoins, l’officialisation d’un texte biblique en caló chibi n’est que le début.
Créer davantage de ressources dans cette langue nécessite une équipe engagée de linguistes, de traducteurs et de conseillers culturels, ainsi qu’un investissement financier et un plan d’action global. La rareté des matériaux éducatifs et le manque de formation spécialisée restent des obstacles importants. Toutefois, chaque pas en avant renforce l’idée que la langue rom ne doit pas disparaître, mais plutôt prospérer comme un précieux contributeur au patrimoine culturel du Brésil.
La force de l’identité, de la foi et les perspectives futures
Pour les familles roms, la traduction de la Bible en caló chibi réaffirme la dignité de leur héritage ancestral.
En lisant les paroles sacrées dans leur propre langue, elles ressentent une proximité spirituelle qui transcende les frontières. De plus, cela crée un lien générationnel qui revitalise légendes, coutumes et pratiques traditionnelles. Ainsi, la communauté se renforce et s’intègre dans la société majoritaire sans renoncer à son identité.
La mission de traduire les Écritures en caló chibi constitue un point de départ pour des initiatives culturelles plus larges. La publication du Livre de Ruth a ouvert la voie à l’élaboration de manuels, de dictionnaires et de matériels liturgiques pour promouvoir l’utilisation de cette langue dans divers contextes.
De même, le développement de projets d’alphabétisation interculturelle profitera aux jeunes générations, leur offrant l’occasion d’explorer leurs racines. Cet effort, mené par la société civile, les institutions religieuses et les Roms eux-mêmes, incarne l’espoir que la langue caló chibi soit préservée et revive avec une vitalité renouvelée.
En fin de compte, cette traduction établit un précédent qui pourrait être reproduit dans d’autres communautés à risque de perdre leur langue. Bien que le défi soit immense, la détermination des personnes impliquées et la signification de la traduction démontrent que la langue n’est pas seulement un moyen de communication, mais aussi un pilier essentiel pour la continuité de toute culture.
Mike Rivero — Bible, Brésil et Peuple Rom